Comment rendre nos élèves créatifs pour les préparer au monde de demain ?

Permettre à nos élèves de développer leur créativité devrait être notre priorité.
Or, aujourd’hui, notre système éducatif la freine, l’empêche, la « tue ».

Pourquoi développer la créativité dès le plus jeune âge?

Est-ce que l’école tue la créativité ? Voici ce qu’en dit, avec humour, Ken Robinson, fervent défenseur de la créativité et de l’innovation dans les systèmes éducatifs.
Si les sous-titres en français ne s’affichent pas, cliquez sur la bulle en bas à droite de la vidéo.

Un constat : partout, la suprématie des maths et des langues

Ken Robinson a remarqué que, partout dans le monde, il existe une hiérarchie entre les matières enseignées. Au sommet se trouvent les mathématiques, les sciences et les langues. Viennent ensuite les sciences humaines, puis, les arts. L’accent est mis sur un raisonnement reposant, essentiellement, sur les mots et les nombres.

Qu’est-ce qui explique cette suprématie des maths et du français (ou autre langue) ? Les systèmes éducatifs ont été conçus pour répondre aux intérêts économiques, dictés par la Révolution industrielle en Europe et aux États-Unis. Les mathématiques, les sciences et les langues étaient essentielles aux économies industrielles.

Par ailleurs, l’éducation a été beaucoup influencée par les universitaires, qui ont tendance à rejeter toute activité impliquant le cœur, le corps, les sens et une bonne partie de notre cerveau.

C’est pourquoi les systèmes scolaires surévaluent certains types de talents et d’aptitudes. Et par là-même, ils en négligent d’autres qui sont tout aussi importants, et qui contribuent à la richesse de nos vies et de nos sociétés.

«Ces approches de l’enseignement étouffent certaines aptitudes essentielles dont les jeunes ont aujourd’hui besoin pour faire leur chemin dans un monde sans cesse exigeant – je veux parler de la pensée créative. Dans nos systèmes éducatifs, l’important est de connaître l’unique bonne réponse à une question. » Ken Robinson, L’Elément

Pour la plupart, les élèves n’ont aucun moment pour explorer l’éventail de leurs aptitudes et de leurs centres d’intérêts.

S’adapter à un monde changeant

Aujourd’hui, la société évolue très vite. Préparer les enfants au monde d’aujourd’hui et de demain : qu’est-ce que cela veut dire ?
Aujourd’hui, les diplômes ne garantissent plus un travail. De plus en plus de personnes ont de multiples carrières, sont amenées à se déplacer.
Demain, La plupart de nos élèves exerceront des métiers que nous n’avons même pas encore imaginés. Ils auront à faire face à de nouveaux problèmes.

Développer la créativité des élèves, c’est développer leur capacité à imaginer et à réaliser quelque chose de nouveau, à inventer une solution nouvelle à un problème donné.

« Tous les progrès de l’homme reposent sur l’imagination. » ibid

Voici deux définitions de Ken Robinson :
L’imagination = la faculté d’évoquer dans son esprit des choses qui ne sont pas à la disposition de nos sens.
La créativité = la mise en œuvre de l’imagination pour créer une chose nouvelle, pour trouver une solution inédite à un problème.

«Partout, les entreprises disent qu’elles ont besoin de collaborateurs créatifs et autonomes. Mais le problème n’a pas uniquement des répercussions sur l’économie. Il s’agit en effet que nos vies aient un but et un sens, que ce soit dans le cadre de notre travail ou au-delà. » ibid

L’auteur défend l’importance de « trouver son élément ». Je développe cette idée un peu plus loin.

Revoir notre vision de l’intelligence

Au début du XXème siècle, Alfred Binet a conçu, à la demande des autorités publiques, un « test d’intelligence » et son échelle d’évaluation le « QI », capable d’évaluer les chances de réussite des élèves. Il rendait l’intelligence quantifiable.

A cette époque, l’intelligence était considérée comme unique, globale et innée. Elle était évaluée par le biais des compétences langagières et logico-mathématiques qui sont, aujourd’hui encore, mises sur un piédestal.

Ken Robinson invite aujourd’hui à identifier les formes d’intelligences et non plus à mesurer le niveau d’intelligence des individus.

Au regard des études sur le fonctionnement du cerveau, il retient trois caractéristiques de l’intelligence humaine :

  • elle est multiple: nous pensons de différentes façons (visuelle, auditive, kinesthésique, en mouvement) ; des chercheurs en définissent différentes formes (cf. les intelligences multiples de Gardner, le cerveau droit/le cerveau gauche…)

  • elle est dynamique: il y a des interactions entre les différentes zones de notre cerveau, on fait sans cesse des liens, des mises en relation.

  • elle est spécifique: chacun a sa propre manière d’utiliser les différentes formes d’intelligence.

Cette nouvelle conception de l’intelligence devrait influencer les programmes et la pédagogie.

connexions

Pour une éducation globale

Cerveau gauche VS Cerveau droit ?

La pensée créative ne s’oppose pas à la pensée logique mais elle va au-delà en sollicitant toutes les zones de notre esprit et de notre corps.

La théorie, popularisée et extrapolée, de l’asymétrie cerveau gauche / cerveau droit a ceci d’intéressant qu’elle met en avant deux modes de pensée, différents mais complémentaires, donc tout aussi importants :

– d’une part, un raisonnement logique et analytique par le biais du langage, des mathématiques…

– d’autre part, un raisonnement créatif et synthétique par le biais de la perception visuelle, des mouvements, de l’orientation spatiale…

Ce qui est surtout important de retenir, c’est l’interaction entre ces hémisphères, entre ces deux modes de pensée. Aujourd’hui, les neurosciences mettent plutôt en avant les nombreuses connexions qui s’opèrent dans le cerveau.

Nos facultés mentales peuvent régresser ou s’accroître selon le degré d’exercice auquel nous les soumettons, séparément et ensemble. Il est donc important, à l’école, de développer les différents modes de raisonnement.

D’autre part, la créativité est loin d’utiliser notre seul cerveau. Elle repose sur les sensations, l’intuition, une habile coordination des mains et des yeux, du corps et de l’esprit…

Les intelligences multiples

Selon Howard Gardner, nous ne possédons pas une mais de multiples intelligences. Nous avons tous différentes aptitudes pour chaque type d’intelligence et l’éducation devrait les traiter à égalité afin que tous les enfants aient l’opportunité de développer leurs propres capacités.

Il définit l’intelligence comme la « faculté de résoudre des problèmes ou de produire des biens qui ont de la valeur pour la société. »

Il distingue 8 formes d’intelligence :

  • Intelligence langagière

  • Intelligence logico-mathématiques : aptitude à la logique, aux mathématiques, aux sciences

  • Intelligence spatiale : capacité à agir dans un univers spatial en se construisant une représentation mentale

  • Intelligence musicale

  • Intelligence kinesthésique : capacité à résoudre des problèmes ou à produire des biens en utilisant tout ou partie de son corps

  • Intelligence interpersonnelle : capacité à comprendre les autres, ce qui les motive, comment ils travaillent, comment agir avec eux

  • Intelligence intrapersonnelle : faculté de se former une représentation de soi précise et fidèle, et de l’utiliser efficacement dans la vie. Capacité à différencier ses émotions, les nommer puis à en tirer des ressources pour comprendre et orienter son comportement.

  • Intelligence naturaliste

Les capacités naturelles dont nous disposons à la naissance sont remodelées, développées ou amoindries par le biais d’une interaction permanente entre les processus biologiques internes et nos expériences.

Trouver son Élément

Pour Ken Robinson, l’Élément est le point de rencontre entre nos talents naturels et notre passion. Quand on a trouvé son élément, on fait ce qu’on aime, on se sent véritablement soi-même. On sait ce qu’on est destiné à faire de sa vie. Quand on s’y adonne, on voit passer le temps différemment, on est plus vivant, plus centré et plus dynamique qu’à tout autre moment.

Pour les parents, comme à l’école, il s’agit d’observer attentivement les enfants au lieu de leur soumettre un modèle de ce qu’ils pourraient être, et d’essayer de comprendre ce qu’ils sont vraiment.

Pour les plus jeunes enfants, cela passe par la diversification des expériences pour leur permettre de découvrir et de développer leurs inclinaisons et aptitudes.

« Si demain le monde devait subir un bouleversement, les personnes, qui ont trouvé ce pour quoi elles étaient faites, imagineraient le moyen d’adapter leurs talents à ce changement. » ibid

Pour cet auteur, vivre son Élément (sa passion) apporte tout autant à l’individu qu’à la société.

Révolutionner les pédagogies

« L’enseignement repose sur 3 éléments principaux : le programme, la pédagogie et l’évaluation. Or, la plupart des réformes se concentrent surtout sur le programme et l’évaluation. » ibid

« Revenir aux fondamentaux », c’est un moyen de renforcer la hiérarchisation des matières.
Les évaluations, quant à elles, ont tendance à devenir un objectif d’enseignement et non plus un simple outil éducatif.

Alors, changeons la pédagogie pour laisser plus de place à la créativité !

Voici 7 principes, en vrac, qui me viennent à l’esprit, suite à cette réflexion et à d’autres lectures et vidéos :

Accepter l’erreur comme processus naturel d’apprentissage. Permettre à l’élève d’oser se tromper.

« Si vous n’êtes pas prêt à vous tromper, vous ne produirez jamais rien d’original. » ibid

Ne pas attendre une seule et unique bonne réponse. Permettre à l’élève de penser par lui-même et non de chercher à se conformer à ce qui est attendu.

– Permettre d’apprendre naturellement = en tâtonnant.

« En tâtonnant, l’enfant cherche sans cesse, consciemment ou non, la réponse essentielle et constructive aux problèmes complexes que lui pose la vie. » Célestin Freinet

– Appréhender les problèmes, les concepts dans leur complexité = dans un contexte de vraie vie qui a du sens.

Laisser de la place au rêve, au jeu libre, au rien faire, à l’ennui, sources de l’imaginaire et de la création.

Laisser place à l’expression libre à travers différents langages : artistique, corporel, mathématiques…

Ne pas surprotéger les enfants: en évinçant tous les risques, on évince aussi les découvertes et les tâtonnements.

Pour illustrer ce dernier point, je vous invite à regarder deux courtes vidéos qui invite à réfléchir:

Découvrez l’architecture d’une école maternelle pas comme les autres, au Japon:

Frissonnez avec les « 5 choses dangereuses qu’on devrait laisser faire à nos enfants »:

Sources :
– L’Elément : Quand trouver sa voie peut tout changer ! de Ken Robinson, 2013, Play Bac
– Les intelligences multiples, Howard Gardner, 2008, Retz

5 réflexions sur « Comment rendre nos élèves créatifs pour les préparer au monde de demain ? »

  1. S’il y a une chose de sure c’est que toi , tu ne manques pas de créativité , Cécile !
    Cet article est particulièrement intéressant parce que tu proposes des ressources que notre système pédagogique ne prend pas pas en référence . Les personnes que tu nommes, les supports vidéos que tu présentes sont très certainement inconnus de la plupart d’entre nous , d’autant qu’ils ne sont pas français .
    Et c’est bien cela qui nous surprend le plus. Leur approche est différente et au niveau du registre de langage utilisé et au niveau de l’analyse que ces messieurs construisent.
    La video sur cette école circulaire et en volume interroge surement nos espaces éducatifs sur tous les plans … et c’est cela pose vraiment question y compris au niveau de la pédagogie .
    La video sur les dangers encourus à laisser vivre questionne aussi et culturellement nous avons surement une autre approche ici ! Faire attention tout le temps, placer la sécurité, au tout du moins, des normes qui sont présentées comme telles , c’est bien ce qui nous caractérise et nous freine dans tous les domaines .
    Quand à la vidéo qui situe l’intelligence , la création et qui met en lien avec le monde de demain, il s’agit vraiment d’un positionnement éducatif, pédagogique et citoyen que notre système normatif ne peut comprendre ! Ce qui m’a  » rassurée  » c’est qu’il dit que c’est partout pareil !!!
    Bref il y aurait tant à dire que je vais y réfléchir et que cela me donner surement matière à écrire moi – même un article sur mon blog….
    Merci Cécile, tu as vraiment la capacité de nous informer et de nous surprendre de façon tellement intéressante et ouverte .
    Ne change rien et continue !
    Françoise

    1. Ce que, moi, je trouve rassurant, c’est qu’il existe de plus en plus d’initiatives individuelles, collectives qui vont dans ce sens.
      Si ça ne change pas en « haut », ça changera par le bas.

      D’autre part, on entend pas mal parler de Ken Robinson depuis sa participation aux TedTalks et la publication de son livre.
      A titre d’exemples, article sur le site des Cahiers Pédagogiques :
      http://www.cahiers-pedagogiques.com/Ken-Robinson-un-Element-pas-si-elementaire
      ou encore émission de TV avec la ministre:
      http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-grand-journal/pid5411-le-grand-journal.html?vid=1280716

  2. Innover pour entrevoir de nouvelles approches alternatives, préparer nos écoles non ā l’école de demain, mais surtout ā lavie de demain pour l’aider ā être en mesure d’évoluer dans entraves .
    Par la créativité et des possibilités de mobiliser tous les atouts que lui offre son cerveau .
    Il faut donc repenser la formation des enseignants dont le métier et les référentiels de compétences sont en constante mutation ,vu la dynamique des théories et recherches qui suit un rythme sans lîmites . .

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